Par Mahmood Fayazi, chercheur
Depuis 70 ans, l’espérance de vie et le nombre de personnes âgées n’ont cessé de croître. D’ici 2030, les 65 ans et plus devraient représenter 1 habitant de la planète sur 8, soit 1 milliard de personnes. Si le vieillissement de la population mondiale représente un triomphe des progrès médicaux, sociaux et économiques, il implique également des défis considérables. À l’opposé, à l’échelle mondiale, le nombre d’enfants par famille est en baisse, celui-ci étant passé d’un sommet de 5 en 1964 à 2,4 en 2019 (Banque mondiale, 2019). Par conséquent, comme les citoyens vivent plus longtemps et ont moins d’enfants, les structures familiales se transforment, laissant les personnes âgées avec moins d’options en matière de soins (Lopez et al., 2006).
Source : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies. New York : Nations Unies, 2005.
Le vieillissement de la population entraîne actuellement des conséquences sur les systèmes d’appui social formels et informels et sur la capacité des États et des communautés à fournir des ressources aux citoyens aînés. Dans cette nouvelle réalité démographique, on s’attend à ce que les personnes âgées vivent de manière autonome au sein de la communauté aussi longtemps que possible ce qui réduira les pressions médicales et socio-économiques sur nos systèmes. D’un autre côté, plusieurs études ont également prouvé que les personnes âgées veulent rester en contrôle de leur vie et avoir la liberté de prendre leurs propres décisions, en jouissant de leur autonomie. Par conséquent, nos sociétés futures compteront une proportion plus importante de personnes âgées vivant en meilleure santé et plus indépendamment dans leur logement, une idée appelée « vieillissement chez soi » par les chercheurs dans le domaine de la santé sociale et communautaire.
Le vieillissement chez soi est défini comme « le fait de rester vivre dans la communauté, avec un certain niveau d’indépendance, plutôt que dans un établissement de soins résidentiels » (Davey et al., 2004, p. 133). Le fait de vieillir chez soi permet aux personnes âgées de conserver leur indépendance, leur autonomie et leurs liens sociaux avec l’appui des amis et de la famille (Callahan, 2019). Selon Wiggins et al. (2004), le maintien des liens avec la famille et les amis permet d’améliorer l’état de santé et le bien-être. Cependant, la qualité des logements est importante pour permettre un vieillissement chez soi (notamment l’isolation, le chauffage, la climatisation, la taille et la conception), mais elle suscite de plus en plus d’inquiétudes (Means, 2007). En outre, du point de vue de la sécurité civile, les personnes âgées vivant seules dans leur résidence restent encore très vulnérables à tout type de sinistres ou de catastrophes.
Des études montrent que les personnes âgées exposées aux catastrophes sont plus susceptibles d’être blessées ou de mourir lors de ces évènements. Par exemple, le taux de décès par incendie chez les personnes âgées est plus élevé que la moyenne nationale. Selon Statistique Canada, entre 2014 et 2016, les incendies résidentiels ont coûté la vie à 182 personnes âgées de plus de 65 ans (30 % des décès liés aux incendies), alors que cette tranche d’âge constitue 16,9 % de la population du pays (Statistique Canada, 2016). En cas d’incendie, les personnes âgées ont souvent du mal à répondre aux alarmes et à réagir en conséquence, ce qui met leur vie en danger. Cela peut être attribué à de nombreux facteurs tels que la perte de mobilité, une limitation des mouvements, une mauvaise sensibilisation, la perte d’audition, les déficiences auditives, la panique, la fatigue ou d’autres maladies chroniques.
Dans les dernières années, plusieurs technologies ont évolué pour permettre un suivi attentif de la santé des personnes âgées et offrir des services à distance, comme les Télé-Soins. Certains outils permettent de saisir des renseignements de santé de personnes âgées, comme leur poids, leur tension artérielle ou leur rythme cardiaque pour ensuite les transmettre à un CLSC. Ce dernier peut ainsi surveiller l’état de santé d’une personne, intervenir ou adapter son traitement en cas d’anomalie. D’autres technologies comme des montres ou des bracelets permettent d’envoyer des alertes en cas de blessures ou de chutes, d’enregistrer l’activité physique ou de détecter toute difficulté à manger ou à boire. Grâce à ces technologies, il devient de plus en plus facile d’assurer un suivi de la santé des personnes âgées vivant à domicile.
Malgré ces avancés au niveau de la santé personnelle, il reste que plusieurs exemples de crises ou de catastrophes passées remettent en question le concept de vieillissement chez soi. En effet, les situations d’urgences posent des risques pour la sécurité des personnes âgées et elles sont mal outillées pour les affronter.
Certaines entreprises proposent des solutions technologiques basées sur l’intelligence artificielle et les applications intelligentes. Celles-ci permettent le contrôle de l’éclairage, du chauffage ou la commande d’appareils domestiques à l’aide de commandes vocales ou tactiles. Toutefois, ces outils sont encore mal adaptés à la réalité des personnes âgées. Par exemple, certaines applications ne fonctionnent pas bien pour des personnes souffrant de déficiences auditives ou visuelles. En outre, les capacités (physiques et cognitives) des individus peuvent changer, et il est donc nécessaire de comprendre comment développer des systèmes qui peuvent s’adapter automatiquement aux capacités d’un individu au moment de l’utilisation. Par ailleurs, certaines initiatives technologiques comptent sur le contact avec les voisins, les amis ou les membres de la famille en tant que premiers intervenants en cas de situation inhabituelle ou d’urgence. Bien que l’idée soit de s’appuyer sur les capitaux sociaux existants et d’améliorer la résilience de la communauté, certaines considérations éthiques devraient être approfondies.
Par conséquent, d’autres études sont encore nécessaires pour explorer les innovations sociales et techniques afin de favoriser un équilibre entre sécurité et autonomie pour les personnes âgées qui s’efforcent de vivre de la manière la plus indépendante possible.
Références:
Banque mondiale (2019). Fertility rates datasets, consulté le 10 août 2021
https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.DYN.TFRT.IN
Callahan, J. J. (2019). Introduction: Aging in place: Routledge.
Davey, J. A., de Joux, V., Nana, G., & Arcus, M. (2004). Accommodation options for older people in Aotearoa/New Zealand: Centre for Housing Research Christchurch.
Lopez, A., Mathers CD, Ezzati M, Jamison DT, & CJL, M. (2006). Global burden of disease and risk factors. Washington, DC: The World Bank Group.
Means, R. (2007). Safe as houses? Aging in place and vulnerable older people in the UK. Social Policy & Administration, 41(1), 65-85.
Statistique Canada. (2016). Census Profile 2016. Census program. Consulté le 5 août 2021
Wiggins, R. D., Higgs, P. F., Hyde, M., & Blane, D. B. (2004). Quality of life in the third age: key predictors of the CASP-19 measure. Ageing & Society, 24(5), 693-708.