Les épisodes de grande chaleur

Par Hussein Wazneh, chercheur

Il n’existe pas de définition universelle dans la communauté scientifique en ce qui concerne la canicule, la chaleur extrême ou les vagues de chaleur. La plupart des définitions réfèrent à une période de plusieurs jours consécutifs où les conditions de températures exceptionnellement chaudes peuvent potentiellement nuire à la santé humaine [1].

Au Québec, une vague de chaleur extrême est définie par l’INSPQ comme étant une période de trois jours consécutifs pendant laquelle les températures maximales et minimales atteignent des valeurs seuils de température préalablement définies et basées sur les impacts de surmortalité attendus [2]. Ces seuils varient selon les régions du Québec ; et se situent entre 31 °C et 33 °C pour les températures maximales et entre 16 °C et 20 °C pour les températures minimales [3].

Les canicules sont responsables d’un grand nombre de décès à travers le monde. Par exemple, plus de 8 000 décès entre 1979 et 2010 aux États-Unis ont été directement liés à l’exposition à la chaleur extrême [4]. Il s’agit du phénomène météorologique ayant la plus grande moyenne annuelle de décès aux États-Unis, suivi par les inondations et les tornades [5]. Durant l’été 2010, la Russie a connu une vague de chaleur accompagnée d’une grande sécheresse, causant plus de 55 000 morts, selon le Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes [6]. En France, la canicule de 2003, la plus intense depuis 1950, a causé à elle seule environ 15 000 décès entre le 1er et le 20 août soit une augmentation de 60 % par rapport au taux de décès normal [7].

Au Québec comme ailleurs dans le monde, les vagues de chaleur ont des conséquences sanitaires importantes. Par exemple, une vague de chaleur de 5 jours en 2010 a causé la mort de 106 personnes à Montréal [8]. Lors de cet épisode, les excès de décès se sont élevés à 280 avec 3 400 hospitalisations supplémentaires au sud du Québec [9]. Durant l’été 2018, neuf régions ont été touchées par une canicule et un excès de 86 décès liés à la chaleur a été signalé [10].

Températures relatives sur l’île de Montréal

Températures relatives sur l’île de Montréal (source : Ilots de chaleur/fraicheur urbains et température de surface 2012, INSPQ et CERFO)

Dans le contexte des changements climatiques, il est largement accepté que les canicules augmenteront en sévérité, en durée et en fréquence au cours des prochaines décennies. Par exemple, le nombre de journées de 30 ˚C pourraient tripler à l’horizon 2080 dans plusieurs villes canadiennes [11]. Au Québec, les canicules pourraient causer une augmentation de 550 décès annuels (1,5 %) vers 2050, et de 1 400 (3,5 %) vers 2080 [11].

Un autre facteur important vient exacerber les canicules estivales en milieu urbain : le phénomène d’îlot de chaleur. Ce phénomène fait référence à la différence de température observée entre les milieux urbains et les zones rurales environnantes [12]. Cette différence de température, parfois très grande, est notamment due à l’absorption de la chaleur par les surfaces des bâtiments et les surfaces pavées (rues et stationnements), les émissions de gaz à effet de serre et l’imperméabilité des matériaux [12]. À l’inverse, les parcs urbains et les zones plus rurales ont généralement une végétation plus importante ce qui permet entre autres un refroidissement par évaporation de l’humidité.

La lutte aux îlots de chaleur urbaine s’intensifie au Québec au moyen de diverses initiatives de verdissement des villes. Une carte interactive dressant le portrait des îlots de chaleur et de fraîcheur dans la province a été produite par l’INSPQ [13]. De plus, le Plan d’action contre les changements climatiques a subventionné plus d’une centaine de projets grâce à un financement de plus de 35 M$ depuis 10 ans. Une évaluation de la performance des projets de lutte aux îlots de chaleur dans la région de Montréal démontre que certains projets ont permis d’obtenir des gains de fraîcheur notables [14].

Pour lutter contre les îlots de chaleurs, comme citoyen, vous pouvez d’abord contribuer au verdissement de votre quartier à l’aide de plantes, d’arbustes ou d’arbres. Il est aussi possible d’apporter des modifications aux immeubles et aux maisons pour réduire l’absorption de la chaleur. Par exemple, on peut appliquer des revêtements qui réfléchissent la lumière sur les toits, mais aussi sur les routes et les voitures. Une autre solution de plus en plus populaire est l’installation d’un toit végétalisé, ce qui rafraîchit l’air et les bâtiments.

Températures relatives sur l’île de Montréal

Voici un rappel des principales mesures de prévention lors d’une vague de chaleur :

  • Passez plusieurs heures dans un endroit frais ou climatisé.
  • Buvez beaucoup d’eau, sans attendre d’avoir soif.
  • Réduisez les efforts physiques.
  • Rafraîchissez votre peau plusieurs fois par jour avec une serviette mouillée
  • Ne laissez jamais un enfant seul dans une voiture ou dans une pièce mal ventilée.

Références:

[1] Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (2014), Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change

[2] Lebel, G., Dubé, M., Bustinza, R. (2019), Surveillance des impacts des vagues de chaleur extrême sur la santé au Québec à l’été 2018, INSPQ. En ligne: https://www.inspq.qc.ca/bise/surveillance-des-impacts-des-vagues-de-chaleur-extreme-sur-la-sante-au-quebec-l-ete-2018#ref

[3] Chebana, F., Martel, B., Gosselin, P., Ouarda, T., Giroux. J.-X. (2012), A general and flexible methodology to define thresholds for heat health watch and warning systems, applied to the province of Québec (Canada). International Journal of Biometeorology. DOI: 10.1007/s00484-012-0590-2

[4] F. Bobb, J., D. Peng, R., L. Bell, M., Dominici, F. (2014), Heat-Related Mortality and Adaptation to Heat in the United States Environmental Health Perspectives, 122(8) https://doi.org/10.1289/ehp.1307392

[5] National Weather service (NWS) of the United States, Weather related fatality and Injury statistics https://www.weather.gov/hazstat/

[6] Guha-Sapir, D., Vos, F., Below, R., Ponserre, S. (2011), Annual Disaster Statistical review: The numbers and trends, Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes, 43 pages.

https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/fullreport_37.pdf

[7] Laaïdi, K., Ung, A., Wagner, V., Beaudeau, P., Pascal, M. (2012), Système d’alerte canicule et santé: principes, fondements et évaluation. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire, 19 pages

http://www.invs.sante.fr

[8] ASSS Montréal (2011), Canicule 2010 à Montréal : Rapport du directeur général.

https://santemontreal.qc.ca/professionnels/drsp/publications/

[9] Bustinza, R et al. (2013) Health impacts of the July 2010 heat wave in Quebec, Canada. BMC Public Health, 13(56)

https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/track/pdf/10.1186/1471-2458-13-56.pdf

[10] Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (2019), Septembre 2018 : l’été le plus chaud en 146 ans d’observations au sud du Québec se confirme Gouvernement du Québec. En ligne: http://www.environnement.gouv.qc.ca/climat/Faits-saillants/2018/septembre.htm

[11] Ouranos (2015). Vers l’adaptation : Synthèse des connaissances sur les changements climatiques au Québec. Montréal, Québec : Ouranos, 79 pages https://www.ouranos.ca/fr/synthese2015/

[12] http://www.monclimatmasante.qc.ca/%C3%AElots-de-chaleur.aspx

[13] https://www.donneesquebec.ca/recherche/dataset/ilots-de-chaleur-fraicheur-urbains-et-temperature-de-surface/resource/82a3e8be-45d2-407e-8803-fcc994830fcc

[14] Environnement Canada (2014). Étude de performance de projets de lutte aux îlots de chaleur urbains dans la région de Montréal, Service météorologique du Canada – Région du Québec (SMC-QC), 142 pages