En ces temps de crise pandémique, les intervenants de première ligne se trouvent en situation de vulnérabilité accrue, alors que leurs interventions se diversifient et se complexifient. L’arrivée soudaine de la pandémie de COVID-19 a ajouté une certaine incertitude exacerbée par les fréquentes mises à jour des lignes directrices, des procédures et des protocoles dans un contexte d’intervention déjà critique où les temps de décision et de réaction sont limités. Se retrouvant au front de cette crise sanitaire, ces travailleurs sont donc plus susceptibles d’en ressentir les effets.

Un projet de recherche mené par Sébastien Tremblay, Laboratoire Co-DOT de L’Université Laval en collaboration avec Marie-Eve Drouin et Isabelle Turcotte du Centre RISC a permis d’analyser le travail des policiers, paramédics et agents correctionnels en contexte de pandémie, afin d’identifier les facteurs de risques et de vulnérabilités auxquels ils ont été confrontés dans l’exercice de leurs fonctions depuis l’arrivée de la COVID-19. Ce projet comprenait cinq objectifs.

  1. Modéliser le travail de ces intervenants de première ligne en contexte de pandémie;
  2. Évaluer la conscience de la situation et les moyens de l’augmenter;
  3. Identifier les risques et les bonnes pratiques;
  4. Évaluer l’efficacité des outils de formation en place et leur pérennité;
  5. Développer, au besoin, des outils et des formations permettant de partager les meilleures pratiques à long terme.

 

Afin d’atteindre ces objectifs de recherche, une démarche empirique systémique comprenant différentes étapes a été utilisée. Des participants provenant des trois milieux d’interventions ciblés ont été recrutés et une collecte de données a été effectuée en deux temps. Tout d’abord, une recension documentaire a permis de mieux définir la problématique et de cerner les protocoles en place pour les interventions en période de crise sanitaire. Ensuite, l’administration d’un questionnaire électronique a permis de récolter les perceptions des intervenants concernant leur réalité sur le terrain.

À la suite des analyses des résultats obtenus, trois grands constats ont été tirés en ce qui concerne le travail des intervenants d’urgence en temps de crise pandémique.

Tout d’abord, afin d’aider les intervenants à se remémorer les nouvelles directives, procédures ou mesures mises en place depuis le début de la pandémie, l’utilisation d’outils (p. ex., aide-mémoire, grille, etc.) semble avoir été priorisée par les organisations comparativement à la tenue de formations spécifiques. L’accessibilité de ces outils semble toutefois variée d’une organisation à l’autre et les changements fréquents dans les directives à suivre en lien avec la pandémie semblent avoir entraîné des difficultés dans l’application et le respect de celles-ci.

Ensuite, une augmentation de la charge de travail semble avoir été perçue de façon quasi unanime à travers les intervenants ayant participé à l’étude. Cela pourrait être attribué à un problème soulevé par les participants, soit le manque de personnel dans les organisations. En effet, il semble que ce manque d’effectifs soit antérieur à la pandémie, mais que celle-ci ait aggravé cette problématique. Outre le manque de ressources, les points d’origines de cette augmentation dans la charge de travail provenaient d’un nombre d’heures de travail plus élevé, de la mise en place de nouvelles directives, ainsi que des changements dans la nature des interventions à réaliser. Par conséquent, la diversification des interventions et l’ajout de tâches directement liées à la pandémie ont contribué à accroître davantage la charge de travail des intervenants.

Un facteur de vulnérabilité ayant été identifié comme critique et qui devrait absolument être pris en compte dans l’évaluation de la santé et la sécurité au travail chez les intervenants est le niveau de frustration. En fait, depuis le début de la pandémie, il semblerait que les intervenants ressentent plus de frustration et d’irritabilité dans l’exercice de leurs fonctions. Ces sentiments semblent liés aux différentes conditions de travail en contexte pandémique, telles que l’augmentation de la charge de travail, le manque de personnel ainsi que l’instabilité ressentie par les participants lors de leur intervention et la variabilité des situations dans lesquelles ils doivent intervenir.

En situation de crise, trois éléments cruciaux entrent en jeu lors de l’exécution des tâches: 1) la cognition et les connaissances, 2) les comportements et les compétences; 3) les attitudes et l’approche adoptée envers les tâches à réaliser. À un niveau ou un autre, les intervenants ont vécu des bouleversements majeurs au sein de ces trois éléments avec l’arrivée de la pandémie. Ce projet a permis, notamment, d’émettre différentes recommandations afin de maximiser la santé, la sécurité et la résilience de ces travailleurs en vue d’une prochaine situation de crise. Les résultats de ce projet ont d’ailleurs été présentés lors du colloque IRSST 2021, vous pouvez voir les conférences de cet évènement à partir du lien suivant : https://www.irsst.qc.ca/colloque-2021